Il faut savoir qu’en front de mer ce phénomène est accéléré. Il doit alors être pris en compte lors de l’achat d’une maison.

Le cadre est exceptionnel, mais cette proximité avec l’océan impose des exigences particulières sur la qualité et la durabilité des matériaux de construction. Parmi les phénomènes souvent ignorés mais déterminants figure la carbonatation du béton, un processus lent mais potentiellement destructeur, qu’il convient de comprendre avant d’acheter une maison dans un environnement marin.

Qu’est-ce que la carbonatation ?

La carbonatation est une réaction chimique naturelle qui se produit entre le dioxyde de carbone (CO₂) présent dans l’air et certains composants du béton, notamment l’hydroxyde de calcium. Cette réaction provoque une diminution progressive du pH du béton, le faisant passer d’un environnement fortement basique (pH ~12-13) à un environnement neutre, voire acide (pH <9). Cette baisse du pH compromet alors la protection des armatures métalliques contenues dans le béton, favorisant leur corrosion.

En zone côtière, ce phénomène est accéléré par les conditions climatiques spécifiques :

  • L’humidité constante de l’air,
  • Les embruns marins chargés en sels chlorures,
  • Les cycles successifs de mouillage et de séchage.

Ces facteurs favorisent non seulement la carbonatation, mais aussi la corrosion directe des aciers, même avant que le pH ne baisse significativement.

Quelles conséquences pour votre maison ?

Les premiers signes visibles de la carbonatation sont souvent discrets : fines fissures, taches brunâtres en surface, éclats localisés du béton. Mais les effets invisibles peuvent être bien plus graves :

  • Les armatures corrodées gonflent en volume, avec un coefficient d’expansion qui varie entre 2 et 4 selon la nature des produits de corrosion, provoquant des fissurations puis l’éclatement du béton de couverture (phénomène appelé spalling).
  • À terme, l’acier se détache du béton et les matériaux ne travaillent plus ensemble, ce qui réduit la capacité portante des poutres, poteaux ou dalles concernées et compromet la stabilité de l’ensemble de la structure.

Cela signifie que des maisons apparemment saines peuvent cacher des désordres structurels majeurs, qui ne seront révélés que lors d’un diagnostic approfondi ou à l’occasion d’un dégât visible.

Comment prévenir et corriger la carbonatation ?

À la construction : la prévention est la clé

Un béton bien conçu et bien mis en œuvre peut ralentir fortement la carbonatation :

  • Utilisation d’un béton à faible porosité, avec un rapport eau/ciment réduit,
  • Ajout d’adjuvant minéral (cendres volantes, fumée de silice) pour améliorer la densité et la durabilité,
  • Choix d’armatures en acier inoxydable ou revêtues, plus résistantes à la corrosion.

Surtout, il est essentiel de respecter une épaisseur minimale d’enrobage des aciers, c’est-à-dire l’épaisseur de béton entre la surface extérieure et les armatures intérieures. En environnement marin, les normes (Eurocode 2 – EN 1992-1-1) recommandent un enrobage de 40 à 55 mm, contre 20 à 30 mm en environnement courant. Cet enrobage agit comme une barrière protectrice, empêchant l’arrivée de la carbonatation jusqu’aux armatures.

Enfin, l’application d’un revêtement de protection sur le béton (imprégnation siloxane, résine, peinture anti-CO₂) permet de bloquer la pénétration des gaz et de l’humidité.

Pour les bâtiments existants : surveiller et intervenir

Si vous envisagez d’acheter une maison en front de mer, il est fortement conseillé de :

  • Inspecter visuellement les éléments en béton (balcons, linteaux, poteaux, dalles) à la recherche de fissures, d’éclats ou de taches de rouille,
  • Réaliser un diagnostic par phénolphtaléine pour évaluer la profondeur de la carbonatation,
  • Faire contrôler l’état des armatures par un expert en structure si un doute subsiste.

En cas de dégradation avérée l’intervention d’un professionnel est souhaitable, il prescrira ainsi des solutions de réparation :

  • Le béton endommagé doit être purgé,
  • Les armatures corrodées doivent être nettoyées, passivées ou remplacées,
  • Une protection cathodique peut être installée (anode sacrificielle, i.e. un métal possédant un potentiel standard plus faible) pour protéger les structures métalliques de la corrosion
  • La zone peut être reprofilée avec un mortier technique adapté,
  • Un revêtement de protection peut être appliqué pour prévenir une nouvelle dégradation.

En conclusion

La carbonatation du béton est un phénomène naturel mais dangereux, particulièrement en front de mer où les conditions climatiques l’accélèrent et en aggravent les effets. Ignorer ce risque lors de l’achat d’un bien immobilier peut entraîner des coûts de réparation élevés et affecter la sécurité du bâtiment.

Mieux vaut anticiper en réalisant une expertise technique sérieuse avant l’achat avec le cabinet d’expertise du Groupe Expert Bâtiment (GEB) de votre département (pour le 64 : GEB 64 ou directement EcoCMO). Cela vous permettra d’identifier les éventuelles pathologies, de vérifier l’enrobage des aciers, d’évaluer la durabilité de la structure, et de négocier le prix du bien en connaissance de cause. En matière de béton en bord de mer, la vigilance est toujours préférable à la réparation.